La cholestase est une situation clinique qui peut concerner les enfants ainsi que les adultes. Qu’est-ce qu’une cholestase ? Quelles sont les causes possibles ? Comment se manifeste-t-elle ? Quelle est la prise en charge ? Le point avec le Dr Mathias Ruiz, hépato-gastro-entérologue pédiatre aux hospices civils de Lyon.
Sommaire
- Des causes très variées pour la cholestase
- Un diagnostic clinique et biologique de la cholestase
- Traitement de la cholestase
- Prévenir la survenue de lithiases biliaires et leurs complications
- Une forme particulière de cholestase : la cholestase néonatale
La suite après cette publicité
Chargée notamment de la bonne digestion des graisses, la bile, composée de sels biliaires, de lipides, de cholestérol, d’eau et de différents électrolytes, est produite par le foie, d’où elle s’écoule vers l’intestin. "Lorsque l’écoulement de la bile est altéré, on parle de cholestase, un symptôme potentiellement responsable de lésions au niveau du foie", souligne le Dr Mathias Ruiz, hépato-gastro-entérologue pédiatre aux hospices civils de Lyon.
La suite après cette publicité
Des causes très variées pour la cholestase
Il existe deux types de cholestase, selon la cause de cette gêne à l’écoulement de la bile.
- Premier type : Il peut s’agir d’un obstacle sur les voies biliaires : on parle alors de cholestase extra-hépatique, comme par exemple en cas de lithiase (ou calcul) biliaire qui peut obstruer les voies biliaires, en cas de tumeur au niveau du foie, des voies biliaires ou du pancréas, ou encore de malformation ou d’inflammation des voies biliaires ;
- Deuxième type : Lorsqu’un déséquilibre se produit dans la constitution de la bile dans le foie, on parle alors de cholestases intra-hépatiques. "Celle-ci peut être observée en cas d’hépatite aiguë ou chronique, d’origine virale, toxique, auto-immune, ou plus rarement métabolique, voire génétique", poursuit le spécialiste. Une cholestase intra-hépatique peut aussi survenir pendant la grossesse (la cholestase gravidique), celle-ci requérant un suivi particulier.
La suite après cette publicité
Certaines formes chroniques de cholestase peuvent abimer progressivement le foie en évoluant vers de la fibrose, voire une cirrhose biliaire.
Un diagnostic clinique et biologique de la cholestase
Sur le plan clinique, une cholestase peut se manifester par une jaunisse (ictère). Le second symptôme caractéristique de la cholestase, notamment extra-hépatique, est la décoloration des selles (cholestase néonatale). "Chez le nouveau-né, c’est un symptôme primordial, associé à des urines foncées, qui doit alerter les soignants et faire orienter ces patients vers un centre de référence, car une prise en charge urgente spécialisée est nécessaire", précise le médecin. Parfois, un prurit (démangeaisons) est présent et peut altérer la qualité de vie. D’autres symptômes peuvent aussi être associés, comme des douleurs localisées au niveau du foie ou des troubles digestifs, tels que des ballonnements ou des diarrhées. "Enfin, il peut n’y avoir aucun symptôme et le diagnostic est alors fait lors d’un bilan biologique", ajoute le spécialiste.
La suite après cette publicité
Pour confirmer le diagnostic de la cholestase, un bilan sanguin est nécessaire. Il comprend un bilan hépatique complet, qui se traduit généralement par une élévation des gamma GT, des phosphatases alcalines et de la bilirubine sous sa forme conjuguée. "L’élévation des transaminases témoigne du retentissement sur le foie de cette cholestase", poursuit l’hépatologue. Un dosage sanguin des acides biliaires peut également être réalisé, et certains marqueurs du retentissement de cette cholestase peuvent être explorés, comme une diminution du taux de prothrombine (TP), ou des carences en certaines vitamines.
Afin d'explorer les causes de la cholestase, des bilans biologiques complémentaires sont nécessaires afin de rechercher les causes d’hépatites. En outre, des examens d’imagerie peuvent être utiles comme une échographie abdominale, un scanner ou une IRM. "Parfois, une biopsie du foie peut être nécessaire, notamment en cas de cholestase intra-hépatique chronique, afin de préciser le diagnostic", ajoute le Dr Mathias Ruiz.
La suite après cette publicité
Traitement de la cholestase
Le traitement de la cholestase est à la fois symptomatique et étiologique. "Sur le plan symptomatique, il s’agit notamment compenser en urgence les carences en vitamines normalement absorbées grâce à la bile", pointe le médecin. C’est le cas de la vitamine K qui doit être administrée rapidement afin de corriger d’éventuels troubles de coagulation pouvant favoriser des saignements spontanés, potentiellement graves et révéler la cholestase. Si la cholestase est chronique, d’autres carences en vitamines doivent être surveillées et compensées.
Un traitement médicamenteux, l’acide ursodésoxycholique, permet de fluidifier la bile et d’améliorer au moins partiellement son écoulement, mais il ne traite pas la cause. En cas de prurit, différents médicaments tels que des anti-histaminiques, un antibiotique (comme la rifampicine), voire certains antidépresseurs, peuvent être prescrits.
Certaines causes de la cholestase extra-hépatiques peuvent parfois évoluer favorablement de manière spontanée (comme les lithiases biliaires par exemple), ou nécessiter une intervention endoscopique par cathétérisme biliaire, voire une intervention chirurgicale.
La suite après cette publicité
Les causes intra-hépatiques peuvent aussi s’améliorer spontanément (c’est le cas de certaines hépatites aiguës) ou nécessiter un traitement spécifique selon l’origine (infectieuse, toxique, auto-immune…). "Toutefois, il arrive que la cholestase soit liée à des causes rares d’origine génétique, pour lesquelles il n’existe pas forcément de traitement curatif à ce jour. Face à ces situations, une transplantation hépatique peut être discutée", détaille le médecin.
Prévenir la survenue de lithiases biliaires et leurs complications
Les lithiases (ou calculs) biliaires sont causées par un déséquilibre dans la composition de la bile, qui s’agglutine lorsqu’elle stagne, généralement dans la vésicule biliaire. Les facteurs favorisant ces lithiases sont le surpoids, notamment chez les femmes de plus de 50 ans, les maladies hémolytiques (drépanocytose, thalassémie…), une chirurgie digestive ou encore certaines prédispositions génétiques chez des sujets jeunes.
Ces lithiases peuvent être asymptomatiques lorsqu’elles demeurent localisées dans la vésicule biliaire. Elles peuvent aussi migrer dans les voies biliaires et entraîner des complications telles qu’une colique hépatique (douleur intense au niveau du foie), une cholécystite ou angiocholite (infection de la vésicule biliaire ou des voies biliaires), une cholestase extra-hépatique (obstruction de la voie biliaire principale), voire une pancréatite (inflammation du pancréas).
La suite après cette publicité
"En cas de cholestase causée par une lithiase biliaire, une ablation chirurgicale de la vésicule biliaire (cholécystectomie), peut être nécessaire dans certaines circonstances pour éviter les récidives", ajoute le spécialiste.
S’il n’existe pas de recommandations spécifiques en matière de prévention, le maintien d’un poids de forme et d’une activité physique régulière représentent des mesures de prévention utiles contre les calculs biliaires.
Une forme particulière de cholestase : la cholestase néonatale
Chez les nouveau-nés, une cholestase néonatale est rare mais souvent sévère. "Cela concerne une naissance sur 2500 environ, pour laquelle il est urgent de poser un diagnostic rapide et d’intervenir au plus vite", note l’hépatologue. En effet, le risque de saignement lié la mauvaise absorption de la vitamine K peut avoir de lourdes conséquences chez un nourrisson. C’est pourquoi le dépistage de cette cholestase est impératif chez les nouveau-nés, en recherchant notamment une décoloration des selles du nouveau-né (selles pâles).
La suite après cette publicité
Par ailleurs, l’une des principales causes de cholestase chez le nouveau-né, est l’atrésie des voies biliaires, une maladie rare mais sévère. "Celle-ci se traite au moyen d’une intervention chirurgicale à réaliser dans les premières semaines de vie dans un centre de référence, afin de drainer, en urgence, la bile du foie vers l’intestin", explique l’hépatologue pédiatre. Cette pathologie est la principale cause de greffe de foie dans l’enfance, raison pour laquelle son dépistage précoce est d’autant plus important.